Lyannaj

Note d'intention

Lyannaj est un terme créole emprunté à la nature : La liane. Il désigne un lien dynamique entre des groupes humains se réunissant dans un but commun de résister, d'être plus forts pour avancer et construire ensemble. Le terme contient une dimension aussi bien sociale qu'organique, c'est-à-dire vivante. On pourrait le traduire par entrelacement.

« Lyannaj ne part pas d’une page blanche. Notre rencontre est déjà pleine de promesses - des promesses nourries d’histoires et de partages avec la Martinique et Haïti. Oui, il y en a beaucoup. Mais Lyannaj porte aussi la promesse de récits à venir, la promesse d’expériences nouvelles. C’est avec cette richesse que nous partons, à vide, toutes les deux et pour la première fois.

Nous serons amenées à transformer nos approches respectives pour mieux nous adapter l’une à l’autre. Ensemble, nous allons arpenter, sillonner, questionner les mémoires plurielles qui façonneront notre récit— autour d’un regard, d’un son, ou d’un mot, comme le dirait Patrick Chamoiseau : “An ka mo, an pawol.”

In situ, dans la commune de Saint-Esprit en Martinique, le processus culturel de la parole nous amènera à interroger ce qui fait Créole, à travers notre regard - celui que nous posons sur le monde qui nous entoure.
Comment nos sensibilités se transformeront-elles au contact des habitants, de l’espace public, de la nature, de tout ce qui façonne en nous nos émotions et nos intimités ? Face à la découverte, nous serons traversées autant que nous traverserons. Qui sait ? Peut-être par le songe d’un demain partagé… Sur quelle trace nos passés se façonnent-ils ?

Nous travaillerons ensemble autour de ce qu’est un processus d’écriture lié à la créolisation. Ce que nous portons en nous fait monde. Décortiquer, interroger - avec les habitants et le territoire - le phénomène de la créolisation pourra nourrir une réflexion sur les flux relationnels qui donnent forme à une culture commune. C’est ce principe actif qui alimentera notre processus de création.
Nos outils habituels - captations sonores et visuelles, sons et musique - documenteront les espaces, les paysages, les récits. Ils opéreront comme une photosynthèse de la mémoire, révélant ce qui sommeille au plus profond de nous. Ces éléments construiront la trame narrative, enrichie de fragments dramaturgiques - glanés ou créés au fil des rencontres. Ils nourriront la scène, la scénographie, et participeront pleinement à l’écriture du récit. Avant, pendant, ou après, à la manière d’un motif de vannerie créole, la musique, le piano, s’imprégnera de fonctions dramaturgiques, mémorielles, patrimoniales. Il s’agira au fond de relier les mondes d’hier à ceux d’aujourd’hui.»
Véronique Kanor et Célimène Daudet